Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 19/03/2009
M. François Marc attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique sur les faiblesses de l'accessibilité numérique en France, et notamment dans les zones rurales. En effet, le Conseil économique, social et environnemental a récemment souligné l'absence de prise en compte des différentes formes de communication électronique dans le plan de relance et dans le projet de loi relatif au Grenelle de l'environnement. Le plan France numérique 2012 apparaît également insuffisant au regard de l'enjeu du déploiement de la fibre optique. Il fait craindre aux collectivités qu'elles devront assumer seules le poids financier de la couverture des zones blanches là où les opérateurs privés estimeront les infrastructures non rentables. Les zones rurales sont les premières concernées.Il souhaite que le Gouvernement prenne appui sur l'action de l'Union européenne pour mettre en œuvre un programme ambitieux de couverture haut débit et très haut débit sur l'ensemble du territoire national. Dans son plan de relance, la Commission européenne propose à cet effet d'accroître la dotation du Fonds européen de développement rural (FEADER) de 1 250 milliard d'euros dont les deux tiers seraient affectés au renforcement des réseaux. Elle propose en conséquence que chaque État adapte ses programmes de développement rural afin que le déploiement des réseaux fasse l'objet de mesures prioritaires. Il souhaite donc que le Gouvernement se saisisse de cette occasion car il s'agit tout à la fois de satisfaire l'exigence d'égal accès des citoyens aux NTIC et d'améliorer la compétitivité des territoires.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la prospective et du développement de l'économie numérique publiée le 29/04/2009
Réponse apportée en séance publique le 28/04/2009
La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 481, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.
M. François Marc. Ma question concerne la faiblesse de l'accessibilité numérique en France, en particulier dans les zones rurales.
Dans un récent rapport, le Conseil économique, social et environnemental a rappelé l'importance de l'enjeu du haut et du très haut débit. Il fait notamment mention de la persistance de la fracture numérique en France. À cet égard, il faut rappeler que 50 % de la population réside aujourd'hui dans des zones à faible densité, en particulier en milieu rural. En outre, si 98,3 % de la population est théoriquement couverte par l'ADSL, de vastes secteurs du territoire restent mal desservis ce sont les fameuses « zones blanches » , comme demeurent des secteurs où les débits réels sont souvent éloignés des attentes. Dans mon département, on estime aujourd'hui que, si 98 % à 99 % de la population peut a priori se connecter à l'ADSL, à peu près 12 % des lignes ne reçoivent pas un débit suffisant.
Alors que l'initiative privée est défaillante dans ces territoires, on peut regretter que l'État ait insuffisamment pris en compte les impératifs du haut débit dans le projet de loi de programme relatif à la mise en uvre du Grenelle de l'environnement. De la même manière, le plan de relance du Gouvernement ne semble comporter aucune disposition concernant l'accès au numérique ; vous nous apporterez certainement des précisions sur ce point, madame la secrétaire d'État. Cela nous paraît d'autant plus dommageable que M. Patrick Devedjian, lors d'une rencontre avec les acteurs du secteur le 21 janvier dernier, a reconnu le retard de la France en termes d'accès à internet, notre pays, selon le ministre, se situant seulement à la quatorzième position au sein de l'Union européenne.
Dans ces conditions, le plan France numérique 2012, dont les objectifs sont pourtant ambitieux, risque d'avoir des effets limités, notamment au regard de l'enjeu que constitue le déploiement de la fibre optique. En effet, ce plan se contente d'assouplir le cadre règlementaire de l'intervention des collectivités, sans que soient octroyés à ces dernières les moyens financiers nécessaires. Dès lors, les collectivités auront à assumer la lourde charge financière de la couverture numérique, là où les opérateurs privés estimeront les infrastructures non rentables, notamment dans les zones rurales.
Parmi les propositions pour lutter contre la crise qu'elle a formulées, la Commission européenne a suggéré un investissement massif dans l'internet à haut débit. Elle a souhaité accroître la dotation du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, de 1,250 milliard d'euros, afin qu'aucune zone blanche n'existe au-delà de 2010. Elle a proposé en conséquence que chaque État adapte ses programmes de développement rural, afin que le déploiement des réseaux fasse l'objet de mesures prioritaires. Cette question devait être abordée lors du Conseil européen des 19 et 20 mars.
Aussi, madame la secrétaire d'État, je souhaite savoir à quel stade se situe aujourd'hui la réflexion européenne et, surtout, quelle est la position de la France sur ce sujet majeur. La révision à mi-parcours des contrats de projets sera-t-elle pour vous l'occasion d'abonder les dotations financières prévues pour les technologies de l'information et de la communication ? Si le Gouvernement devait se contenter d'émettre des consignes visant à mieux intégrer les TIC à enveloppe constante, on imagine que cela aurait des effets assez limités
Le Gouvernement doit mettre en uvre un programme ambitieux de couverture en haut débit et en très haut débit sur l'ensemble du territoire national. Il y va de la compétitivité de notre économie, mais aussi de la satisfaction des besoins quotidiens des usagers.
Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous remercie de nous préciser les ambitions du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, comme vous, je suis convaincue que le déploiement des réseaux à très haut débit est un enjeu économique et industriel majeur pour l'ensemble de notre pays, en particulier pour les zones les moins denses. Nous parlons d'investissements dont le montant devrait atteindre plusieurs dizaines de milliards d'euros dans les dix prochaines années.
Les pays qui sortiront renforcés de la crise seront ceux qui auront su, dès aujourd'hui, préparer l'avenir. À ce titre, les investissements dans le très haut débit sont porteurs de croissance, pour le secteur du numérique mais aussi pour l'ensemble des secteurs économiques, tant les gains de compétitivité produits diffusent dans l'ensemble de l'économie.
En France, c'est la loi de modernisation de l'économie qui fixe le cadre juridique du déploiement des réseaux de fibre optique. Ce texte instaure un droit à la fibre optique pour chaque Français, impose le pré-équipement obligatoire de tous les immeubles neufs à partir de 2010. Le plan de relance a retenu cette disposition en rendant obligatoire, dès aujourd'hui, l'équipement des logements bénéficiant d'un financement dans le cadre de ce plan.
Pour stimuler et libérer les investissements dans la fibre optique, j'ai organisé, le 7 avril dernier, avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, une réunion sur le développement des réseaux à très haut débit. Il a été pris acte que les investissements réalisés jusqu'à la mise en place d'un cadre réglementaire définitivement stabilisé seraient conservés en l'état.
Par ailleurs, comme m'y a invitée le Conseil économique, social et environnemental dans un rapport publié voilà deux mois, j'étudie les conditions permettant d'accélérer le déploiement de ces nouveaux réseaux au profit de tous les Français, notamment dans les zones que vous avez mentionnées, monsieur le sénateur, où le seul investissement privé ne sera pas suffisant, chacun s'accorde à le reconnaître.
Ainsi, des instances régionales de concertation, regroupant les collectivités locales et l'État, seront mises en place et travailleront à la définition de schémas directeurs pour le déploiement du très haut débit. Une circulaire à destination des services de l'État en régions sera signée prochainement, afin de créer sans délai ces instances de concertation et d'élaborer ces schémas directeurs.
Par ailleurs, nous avons besoin d'un nouvel outil réglementaire, afin de permettre aux collectivités territoriales de devenir des investisseurs minoritaires et d'être en quelque sorte en impulsion dans ce mouvement. Actuellement, c'est le « tout ou rien » qui prévaut : si quelques collectivités territoriales ont choisi d'assumer l'ensemble de leurs responsabilités, beaucoup ont renoncé, considérant que l'aménagement numérique des territoires ne constituait pas le cur de leur activité.
J'ai lancé une étude avec la Caisse des dépôts et consignations sur ce sujet ainsi que sur le développement des réseaux neutres et de l'investissement public pour le très haut débit. Je communiquerai les conclusions de ce travail d'ici au mois de juin prochain.
Il ne faut pas oublier que le redéploiement des fréquences hertziennes du dividende numérique est l'un des principaux leviers de déploiement du très haut débit dans les zones les plus rurales. Nous travaillons activement, avec l'échelonnement des opérations pilotes d'extinction de la télévision analogique et du basculement vers le « tout numérique ». Ces opérations se feront à grande échelle dès le début de l'année 2010, en vue d'un achèvement au mois de novembre 2011, pour que, à cette date, toutes les émissions analogiques puissent être éteintes et que, sur les fréquences ainsi libérées, nous puissions développer de nouveaux services, notamment dans les zones les moins denses.
Enfin, monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les programmes européens et nationaux.
Si nous sommes favorables à un programme européen sur le développement du numérique, nous pensons que celui-ci ne doit pas être orienté uniquement sur la question des infrastructures, mais qu'il doit prendre également en compte la compétitivité des acteurs, notamment ceux de l'industrie du logiciel. Il faut reconnaître que la préparation des prochaines élections européennes ne rend pas la période faste à cet égard, ne serait-ce que parce que la commissaire chargée du dossier, elle-même candidate, n'est pas très favorable à la stabilisation de ce projet.
En revanche, à l'échelon national, je travaille sans attendre avec Patrick Devedjian à l'élaboration d'un volet numérique du plan de relance, qui est actuellement en cours d'arbitrage. Il devrait notamment intégrer des mesures sur les réseaux, mais pas uniquement. Il convient en effet de rappeler que l'économie numérique repose sur trois piliers : des réseaux de qualité, avec une bande passante la plus large possible, des acteurs dynamiques, mais aussi des services, des usages et des contenus développés en France, au bénéfice de notre économie. En effet, il importe que les réseaux ne soient pas seulement des autoroutes sur lesquelles circulent des voitures produites ailleurs, mais deviennent des vecteurs majeurs de développement pour l'emploi et la croissance en France.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Je suis convaincu que nous partageons tous les objectifs que vous venez d'énumérer, madame la secrétaire d'État, et dont le caractère ambitieux n'aura échappé à aucun d'entre nous. Cependant, ma préoccupation portait moins sur les objectifs que sur les moyens financiers : les collectivités publiques sont confrontées à des demandes d'interventions financières très lourdes et beaucoup s'interrogent sur l'engagement financier de l'État.
Cela étant, madame la secrétaire d'État, vous avez annoncé que le plan de relance comporterait un volet numérique, actuellement en cours d'arbitrage. C'est une bonne nouvelle. J'espère que ce plan sera à la hauteur des attentes des collectivités territoriales et leur permettra de faire face aux besoins, qui sont considérables, vous l'avez rappelé.
Je précise que, dans son rapport, le Conseil économique, social et environnemental insiste, pour développer le très haut débit, sur la nécessité d'une péréquation financière non seulement à l'échelon national, alimentée par un prélèvement sur les abonnements aux opérateurs, mais aussi à l'échelon régional, permettant de dégager 12 milliards d'euros en dix ans, ce qui serait également un moyen d'abonder l'enveloppe.
Il nous faut donc imaginer, au-delà de la dotation qui sera prévue dans le plan de relance, les mécanismes permettant de mettre en uvre une péréquation plus efficace et de répondre à l'énorme enjeu financier que représente ce dossier.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, des engagements que vous avez pris. Je ne doute pas que nous aurons, dans les semaines à venir, à débattre de nouveau des conditions de mise en uvre du volet numérique du plan de relance.
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